Je choisis plutôt, un peu égoïstement, de vous parler de moi et de ce qui me ramène à ce concept d’utopie. Ce qui me vient en premier lieu quand je me penche sur cette notion, c’est une certaine idée du bonheur, de la recherche de celui-ci. Une quête qui prend racine et fleuri dans nos imaginaires.
Si nos imaginaires ont toujours été stimulés par des rencontres, des récits, des découvertes, nos propres récits intérieurs ont toujours dû prendre le temps d’assimiler et interpréter ces stimuli.
Du moment où j’ai su lire, j’ai lu. Des romans surtout, qui prenaient place dans des mondes imaginaires, ressemblant au notre tout en étant différents. Je les dévorais, en boulimique de lecture, ils nourrissaient mon esprit et ma recherche du bonheur d’autant de voies possibles. Le voyage en lui-même n’est-il pas aussi la recherche d’un autre bonheur ?
Puis le monolithe est arrivé, ce dieu-téléphone et son jumeau internet qui sait tout et voit tout. Et je n’ai plus lu. Aujourd’hui les écrans, les réseaux sociaux, les IA même, comblent nos besoins de réponses, tels des buffets à volonté de dopamine, dans une instantanéité et un flux constant qui ne laisse plus place à ces moments suspendus. C’est tellement plus simple de regarder, plus rapide aussi. Fast food du bonheur, aussi bonne pour les artères de nos imaginaires que l’est un maxi best of pour nos artères de chair.
C’est qu’il est bien fait ce petit parasite, extension parfaite de nos corps imparfaits. Attention, il y a du bon dans ces raccourcis infinis, ces fenêtres grandes ouvertes sur le reste du monde. Le problème c’est l’excès, pas l’accès.
Pourtant, malgré toutes ces promesses tenues d’instantanéité du plaisir et de réponses à tout, quelque chose me manque dans cette recherche d’un bonheur différent. Prendre le temps.
Ne pas savoir. Imaginer.
Chercher c’est ne pas avoir encore trouvé, après tout.
J’ai repris la lecture.